8 février 2011

Louvain-La-Neuve, un village d'irréductibles élites?

Action brutalement réprimée à Louvain-La-Neuve :
Jean-Luc Roland pointé du doigt pour sa « gestion répressive » de la crise.

Une manifestation d'habitants de Louvain-La-Neuve qui réclamaient une maison des jeunes et un espace culturel alternatif, a été brutalement réprimée par les forces de l'ordre, le vendredi 28 janvier lorsque les manifestants ont tenté d'occuper un local désaffecté.

Des témoins indiquent que l'action n'était pas autorisée, en précisant toutefois, que « la réaction de la ville est totalement disproportionnée » et que la police a fait un « usage excessif de la force », allant jusqu'à « matraquer violemment» les manifestants pacifiques.

Le bourgmestre d’Ottignies-Louvain-la-Neuve, Jean-Luc Roland (Ecolo), est pointé du doigt pour sa manière brutale de gérer une manifestation qui se déroulait pourtant sans heurts. Il y a eu plusieurs blessés parmi les manifestants dont quatre ont du être amené au services des urgences de la Clinique Saint-Pierre d'Ottignies. Leur état de santé n'est pas jugé inquiétant.

Quelques semaines auparavant, les manifestants occupaient illégalement un local désaffecté baptisé « météo », à Louvain-La-Neuve. Pendant plusieurs mois ils y avaient organisé des concerts de musique et des ateliers de création. Ils s'en étaient fait déloger dans le calme et avaient pu établir un dialogue avec les autorités universitaires et la police malgré les fortes réticences du bourgmestre.

Les manifestants, n'occupant que des lieux désaffectés et de manière pacifique, disent ne pas comprendre la réaction du bourgmestre. Il semble en effet que leur message soit mal compris par ce dernier qui est aujourd'hui pointé du doigt pour sa « gestion répressive » de la crise.

Les manifestants réclament un lieu de culture non-institutionnelle et une maison des jeunes pour les jeunes de Louvain-La-Neuve qui « ont besoin d’un lieu de découvertes ». Ces revendications ne sont pas nouvelles à L-L-N, surtout depuis que la maison des jeunes a été rasée pour faire place au musée Hergé, sans qu'un nouveau local soit affecté à la maison des jeunes. Le bourgmestre qualifie maladroitement cette réalisation comme « sa plus grande fierté » (Entretien avec Laurence Dumonceau "Je rêve d’une autre gare" ).

Par ailleurs, ne semblant vraisemblablement pas sur la même longueur d'ondes qu'une partie des habitants, il vante « l’intense activité culturelle qui attire tous les publics » (Opladis, interview de J.-L. Roland, 24.01.2011), il serait permis d'en douter au vu de l'offre culturelle assez élitiste sur la commune.

Nettoyage "social" à Louvain-La-Neuve

Ces habitants eux, dénoncent dans un communiqué, « une forme de nettoyage ethnique, de type social, qui s’opère dans le Brabant Wallon et spécialement à Louvain-la-Neuve », qui contraint beaucoup de jeunes, pourtant nés à Louvain-la-Neuve, à partir en laissant la place à ceux qui ont les moyens de payer le coût de la vie néo-louvaniste ». En effet, les importants aménagements qu'à connu la ville ces dernières années et notamment la construction du centre commercial l'Esplanade et de nouveaux quartiers huppés, n'ont pas œuvré dans le sens de la mixité de la ville et ont contribué à une forte augmentation des loyers, les rendant inaccessibles pour bon nombre de gens.

Le bourgmestre qui en est à son deuxième mandat, paraît contradictoire dans ses déclarations; d'une part il se dit fortement préoccupé par le phénomène de gentrification de la ville et prétend vouloir lutter contre la hausse des prix à Louvain-La-Neuve (La Libre Belgique, 2.2.2011), d'autre part, il voit dans le développement de la ville « le témoignage concret qu’un autre urbanisme est possible » et se dit enchanté par son développement « passionnant » (Vers l'Avenir, 29.01.2011). Il juge le développement commercial de la ville et les gains économiques qu'il entraîne, comme une aubaine pour arriver enfin à l'aboutissement du projet imaginé par les anciens fondateurs (Le Soir, 10.12.2010).

La finalisation du projet de Louvain-La-Neuve, s'est peut-être emballée, au point qu'on ne se préoccupe plus de savoir où une maison des jeunes et un lieu pour « une autre culture » pourraient trouver leur place dans une ville de ce type, si toutefois cela est encore possible.

A l'heure d'adopter le budget, la majorité communale (Ecolo, DN-PS et cdH), fortement chahutée par l'opposition (MR) qui le juge irréaliste, promettait une large consultation des habitants afin d'établir avec eux les priorités pour la commune. Toujours attendue, cette consultation devrait permettre au bourgmestre qui brigue un troisième mandat, de retrouver de la légitimité pour entamer la campagne.

Toutefois l'entreprise est périlleuse pour Jean-Luc Roland, d'abord parce que l'UCL est propriétaire à 90% de la ville et n'est donc pas contrainte de tenir compte de l'avis des habitants, et par ailleurs son ambition électorale pourrait bien être compromise par la réglementation de son parti.
En effet, les statuts du parti écologiste interdisent de briguer un troisième mandat de bourgmestre consécutif. Hors, Jean-Luc Roland est bourgmestre d’Ottignies-Louvain-la-Neuve depuis 2001, pour se représenter, il devrait donc obtenir une hypothétique dérogation du conseil régional des Verts, fortement compromise par l'exigence de bonne gouvernance si chère à Ecolo et salutaire par ailleurs. En 2006 déjà, le bourgmestre avait renoncé à plusieurs mandats, sans doute pour se mettre au diapason du parti. Il cumulait alors plus de 5 mandats dont 3 au moins rémunérés (Baromètre belge du cumuls des mandats en ligne).

La semaine passée, l'Association des Habitants organisait un débat sur la hausse des loyers à Louvain-la-Neuve. C'est donc bien sur fond de la question du visage de plus en plus élitiste qu'est en train de prendre la commune, que se déroule le conflit entre le bourgmestre et les manifestants. S'il faut déplorer les violences dont ils ont été victimes, l'on peut souhaiter que cet incident fera réfléchir les autorités et les ramènera vers une véritable participation des citoyens.

À l'heure actuelle et à notre connaissance, aucune plainte n'a été déposée au Comité P et la majorité communale ne s'est toujours pas exprimée publiquement sur les incidents du 28 janvier. Une délégation de représentants des manifestants pourrait interpeller le prochain conseil communal.


Notes de parenthèses :
  1. Entretien avec Laurence Dumonceau "Je rêve d’une autre gare", 24 janvier 2011
  2. La Libre Belgique, 2 février 2011
  3. Vers l'Avenir, 29 janvier 2011
  4. Le Soir, 10 décembre 2010
  5. Baromètre du cumuls des mandats, en ligne, http://www.cumuleo.be/mandataire/2575-jean-luc-roland.php
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Communiqué des manifestants
Répression violente lors de l’ouverture d’un lieu culturel autogéré à Louvain-la-Neuve.

Ce vendredi 28 janvier, un groupe d’habitants de L.L.N. et ses alentours investit un endroit où créer et diffuser de la musique, installer des ateliers et des expositions.
Notre désir est de fonctionner hors des institutions car nous entendons être libres dans la gestion de notre espace, notre volonté étant d’être indépendants de subsides ou d’animateurs.
Nous avons décidé de récupérer des locaux laissés à l’abandon ou non utilisés par leur propriétaire. Ce genre de collectif ou dynamique existe dans d’autres villes comme Liège, Bruxelles, Gent, Leuven ou Antwerpen…
Résumé des évènements de ce vendredi 28 janvier :
19 h. Nous rentrons dans les locaux inoccupés de l’ancienne poste Place des Sciences. Rapidement un groupe de personnes y installe une cuisine, d’autres un bar , une sono, une infothèque.
Nous nous sentons vite chez nous et y installons une charmante ambiance.
20 h. Un vigile de l’U.C.L. constate notre présence et appelle ses collègues et la police,…
L’un d’entre nous sort pour leur expliquer nos intentions, en vain ; nous connaissons notre bonne ville, le dialogue est impossible et l’expulsion imminente.
Les policiers se rassemblent devant le bâtiment, matraque à la main et casque vissé sur la tête. Le ton est lancé mais la bonne humeur est toujours un peu là. Les enfants et certains parents quittent la poste.
21 h. Le nombre de policiers augmente. Ils encerclent le bâtiment bloquant toutes les issues.
21 h 30. La police casse une vitre puis une porte et entre de force. (Qui donne ce genre d’autorisation, le bourgmestre ?)
Le commissaire Lagrange rentre avec sept de ses hommes pour nous sommer de discuter avec un responsable (?) , matraque à une main et lacrymo dans l’autre tout en poussant et bousculant le groupe.
La discussion s’envenime, les coups de matraques pleuvent, nous nous opposons collectivement à leur charge et finissons par les repousser hors du bâtiment.
22 h. La police fait fortement usage de gaz lacrymogènes. Le gaz envahit tout le bâtiment, nous sommes obligés de sortir par les portes de l’étage inférieur et nous retrouvons face à d’autres policiers.
Le matraquage et gazage se déroule sous l'œil bienveillant de responsables de l’U.C.L. : Dominique Opfergelt (administrateur général) et Alexandre Bauthier ( responsable de la sécurité des biens et des personnes).
22 h 30. Nous sommes tous dehors. Plusieurs membres du groupe ont été frappés par la police et sont blessés. Certains ont été frappés à l’intérieur du bâtiment, d’autres alors qu’ils étaient déjà dehors. Certains policiers sont prêts à nous frapper pour n’importe quelle raison. D’autres, repus de violence satisfaite ricanent à l’écart. Une personne est arrêtée car elle crie fortement sur la police, elle est jetée violemment au sol.
23 h. Nous formons un petit groupe sur la place des sciences. La police revient vers nous. Suite à une discussion avec le commissaire, l’un des nôtres est arrêté agressivement sans aucun motif. Nous disloquons notre groupe et nous rassemblons ailleurs pour faire le point, quatre personnes à l’hôpital, deux au poste, notre détermination est toujours intacte.
Nous sommes ouverts à toutes propositions d’espaces vides à occuper.

Depuis 1998, le changement de politique d’aménagement du territoire nous en a fait baver.
Une forme de nettoyage ethnique, de type social, s’opère dans le Brabant Wallon et spécialement à Louvain-la-Neuve. Beaucoup de jeunes nés à Louvain-la-Neuve doivent partir en laissant la place à ceux qui ont les moyens de payer le coût de la vie néo-louvanesque.
Habiter, c’est aussi rencontrer et créer dans la cité.
Même si M. l’échevin de la Culture nous traite d’ignares sur cette question, nous persistons à penser qu’il y a un manque crucial de lieux à destination de la création (ateliers et salle d’expo-concert-performance).
La maison des jeunes va renaître. Nous l’espérons car nous avons grandi à travers elle et son apprentissage à l’autogestion.
Nous trouvons qu’il faut la laisser à disposition des plus jeunes qui ont besoin d’un lieu de découvertes.

2 commentaires:

  1. Mauvais exemple de ce que font les ecolo lorsqu'ils ont en main la gestion d'une ville!
    A vrai dire à ottignies il s'agit d'une coalition Ecolo/PS/CDH, le MR étant dans l'opposition. Encore que le MR ne ferait pas mieux que Roland s'il était au pouvoir mais à voir la politique menée jusqu'à présent on se pose des questions, c'est inquiétant en tous cas.
    François

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  2. C'est une terrible expérience pour écolo, nous sommes à la veille des élections communales d'octobre 2018 et malheureusement notre parti vert a montré un bien triste visage de la gestion d'une ville moderne. Getthoïsation d'hyper-riches, sacrifice des espaces publics aux méga-surfaces commerciales, relégations des habitants natifs de la commune vers des banlieues éloignées et paupérisées, et puis ici, crise de dialogue avec les habitants qui se "permettent" de critiquer la gestion d'ECOLO sur Ottignies -Louvain-La-Neuve...
    Bilan catastrophique Mr Roland

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